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Cyconia rencontre Vincent Mandinaud, chargé de mission à l’ANACT

Cyconia a eu le plaisir de rencontrer Vincent Mandinaud chargé de mission au sein du département Etudes Capitalisation et Prospective de l’ANACT (l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail).

Sociologue, spécialiste du changement sociotechnique, il traite des questions relatives aux effets de la transition numérique de l’économie sur les organisations de travail et les conditions d’exercice de l’activité. Il est en charge de l’animation du groupe de pilotage de l’action « veiller aux conditions d’usage des outils numériques » du Plan National Santé Travail 2016-2020.

Vincent Mandinaud a eu l’amabilité accepté de répondre aux questions du chatbot d’entreprise Cyconia sur la digitalisation et le travail. Interview.

Digital et bien-être en entreprise, quel intérêt ? Quels risques ?

Vincent Mandinaud: En ce qui nous concerne, nous parlons moins de bien-être au travail et de digital que de transformations numériques et de conditions de travail ou de qualité de vie au travail. Ceci étant, on peut dire le digital rouvre les champs d’expérience et les horizons d’attente du travail. Dans l’organisation du travail, la digitalisation procède de choix stratégiques qui s’inscrivent le plus souvent en tension entre des logiques d’innovation et de rationalisation de l’activité.

« Aujourd’hui, il suffit d’être quelque part pour être connecté »

La digitalisation participe aussi à renouveler  et équiper l’individualisation du travail. Pour faire quelque chose, il suffit d’être quelque part pour être connecté. D’où le danger d’une “autonomie forcée” et d’une hyper responsabilisation de l’individu.

D’autant que ces tendances se combinent pour soutenir une flexibilisation du travail, en faisant disparaître les frontières entre la vie professionnelle et la vie personnelle, éclater l’unité de lieu, de temps et d’action. Sous cet angle, elle peut tout autant faciliter la conciliation qu’étendre la mobilisation au travail, et fragmenter la mobilisation des travailleurs.  

La digitalisation se déploie en mettant au centre l’expérience-utilisateur. Jusqu’alors, cette attention à l’expérience-utilisateur a beaucoup été orientée “client”. Pour rééquilibrer les choses, il serait peut être temps d’investir sur un autre versant: celui de l’expérience-travailleur.

« Il serait peut être temps d’investir sur un autre versant, celui de l’expérience-travailleur ! »

Quels rapports existe-t-il entre digital et communication intra-entreprise ?

VM : Au delà des discours promotionnels, les plateformes collaboratives n’ont pas souvent le succès escompté par ceux qui les mettent en place.  Même si pour beaucoup d’entre elles, elles sont basées sur le partage de compétences. C’est que la collaboration ne s’achète pas sur étagère, et qu’il faut certaines conditions pour y parvenir. Des outils peuvent aider, mais ce n’est pas le plus important. Ce discours du tout substitutif lorsqu’il est question du digital peut être difficile à appréhender pour les collaborateurs. Ils peuvent même parfois être contre-productifs dès lors qu’ils viennent gripper les relations sociales faute de tenir compte de la réalité de situations de travail.

Grisées par le mainstream médiatique, les organisations on a parfois tendance à oublier que l’expérience utilisateur se partage entre le client et le travailleur, qui lui aussi a des exigences pour faire un travail de qualité dans des conditions qui n’altèrent pas son capital-santé. Comment concilier des exigences (parfois) contradictoires pour forger de nouveaux compromis socio-productifs? Telle est la question à se poser pour négocier les transformations numériques dans le sens de la qualité de vie au travail.

Quelles actions conduit l’ANACT et quels services propose-t-elle pour aider les entreprises dans leur transformation numérique ?

VM: L’activité de l’ANACT s’inscrit très largement dans le cadre du Plan Santé au Travail 2016-2020.  Dans ce plan, le sujet émergent de la transformation numérique du travail ests traité à la fois de manière offensive et défensive. Offensive, car il s’agirait de mettre le numérique au service de la qualité de vie au travail dans le cadre du dialogue social; alors que les conditions sociotechniques et parfois mêmes juridiques ne sont pas tout le temps réunions dans les organisations de travail contemporaines ou traditionnelles. Défensive, car il s’agirait de veiller aux conditions d’usage des outils numériques de façon à mieux prévenir d’éventuels “risques psychosociaux” liés à des pratiques mal encadrées, régulées.

En propre, l’ANACT pilote et conduit plusieurs projets ayant trait à la transformation numérique des organisations de travail.

D’une part, financé par le PIA, elle co-anime avec la FING un dispositif appelé “le transformateur numérique”, dans le cadre du plan Numérique Emploi Travail. Ce dispositif hybridant apports d’expertise et coaching par les pairs, s’adresse à des organisations en transformation, des start-up, des cabinets de conseil … Il vient appuyer les porteurs de projets dans la priorisation des enjeux, et dans leur capacité à trouver des ressources pour mettre le développement et l’intégration de technologies au service de la qualité de vie au travail ou intégrer des enjeux de conditions de travail dans le développement de technologies ou de transformations organisationnelles.

D’autre part, elle pilote un projet de connaissance sur les conséquences de l’automatisation et de la digitalisation sur les organisations de travail, financé par le Fond Social Européen. Appuyé par son réseau, l’ANACT explore et accompagne des transformations dans différents secteurs d’activité (Agriculture, Industrie, Services à la Personne, ESS, etc. ). Dans ce cadre, elle cherche aussi a expérimenter et transférer des nouvelles façon d’outiller les acteurs dans la conception, le diagnostic, le dialogue, l’évaluation des projets de transformation numérique et de leurs implications en matière de conditions de travail.

Récemment, l’ANACT et le réseau ont rejoint le projet FranceNum porté par le Secrétariat d’Etat en charge du numérique, et qui vise à accompagner les TPE-PME de l’économie traditionnelle dans leur transformation.

Enfin, l’ANACT conduit des activités de veille, d’études et de prospective sur les nouvelles formes d’activité et d’organisation du travail, en lien avec l’avènement des plateformes.

« Les conditions de travail ce n’est pas la cerise sur le gâteau, c’est la farine qui fait tenir le gâteau »

Le mot de la fin Vincent Mandinaud ?

VM: La question du travail reste centrale en matière d’intégration et de cohésion sociale. Et l’avenir numérique du travail est autant porteur de promesses que de menaces à cet égard.

Pour progresser, et aussi pour minimiser le risque de mauvaise surprise, il convient d’apprendre collectivement à ouvrir la boîte-noire des transformations numériques du travail. Pour cela, un jeu de questionnement peut aider les parties prenantes des organisations de travail à ne pas laisser dans l’angle mort de projets des dimensions qui sans nul doute concourent la réussite des projets de transformation.

  • Pourquoi et pour qui les technologies numériques et leurs usages sont-ils utiles?
  • A qui et comment sont-ils accessibles?
  • Comment les technologies et leurs interfaces sont-elles utilisables?
  • Par qui, quand et selon quelles modalités les projets, les technologies et leurs usages sont-ils discutés?
  • Comment sont rendus intelligibles les projets, les technologies et leurs usages, comment participent-ils à la construction du sens au travail?
  • Comment les projets, les technologies, les organisations et les usages sont ils rendus adaptables, modifiables?

Les conditions de travail ce n’est pas la cerise sur le gâteau, c’est la farine qui fait tenir le gâteau. On n’investit pas dans la QVT pour (se)faire plaisir, mais pour améliorer sa capacité de performance globale. L’enjeu c’est d’équilibrer les investissements, pour prendre soin et de miser sur l’expérience-travailleur.

Les conditions de travail sont un levier stratégique de performance, pas une patine sociale.



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